James Petras: Cuba, USA et les Droits de l'Homme
Responsabilité des Intellectuels

Extraits

Le Rôle de l’Intellectuel Aujourd'hui

De nombreux critiques de Cuba parlent de «principes» comme s'il n'y avait qu'un seul jeu de principes applicables dans toutes les situations quels que soient les acteurs et les conséquences. Réclamer l'application de «principes» tels que la «liberté» pour les personnes impliquées dans le renversement du gouvernement Cubain avec la complicité du Département «État transformerait Cuba en un nouveau Chili - où Allende fut renversé par Pinochet - et mènerait à la destruction des acquis de la révolution.

Il y a des principes qui sont plus fondamentaux que la liberté de quelques cubains fonctionnaires des États-Unis, tels que la sécurité nationale et la souveraineté populaire. Il existe, surtout parmi la gauche progressiste aux États-Unis, une certaine attirance pour les victimes du Tiers-monde, ceux qui échouent, et une aversion pour les révolutionnaires qui réussissent. Il semblerait que les intellectuels progressistes étasuniens trouvent toujours un alibi pour éviter de s'engager aux cotés d'une révolution. Pour certains, c'est le vieux refrain du «stalinisme» - si l’État joue un rôle majeur dans l'économie, ou s'il y a des mobilisations de masses - qu'ils qualifient de «dictature plébiscitaire». C’est parfois les services de sécurité qui luttent contre le terrorisme qu'ils qualifient «d'État policier répressif».

Ces intellectuels vivent dans un des pays les moins politisés au monde, avec un des appareils syndicaux les plus serviles et corrompus du monde occidental. Ils n'ont pratiquement aucune influence politique en dehors de quelques villes universitaires. Ces intellectuels étasuniens qui se disent pratiques n'ont cependant aucune connaissance ou expérience pratique des menaces et violences quotidiennes qui planent au-dessus des gouvernements révolutionnaires et des militants en Amérique latine. Leurs concepts politiques, à l'aune desquels ils approuvent ou condamnent toute activité politique, n'existent que dans leurs esprits, dans un cadre universitaire sympathique et progressiste où ils bénéficient de tous les privilèges accordés par la liberté capitaliste, sans courir aucun des dangers qu'affrontent les révolutionnaires du tiers-monde.

Un peu de modestie, chers intellectuels prestigieux, critiques, et prêcheurs de liberté. Posez-vous sincèrement la question de savoir si vous aimeriez être piratés par une organisation terroriste basée à Miami. Posez-vous la question si vous aimeriez vous asseoir dans un grand hôtel touristique à la Havane au moment où une bombe explose - cadeau des terroristes en train de siroter une bière avec le frère du Président, Jeb. Essayez &imaginer la vie dans un pays qui est le premier sur la liste des cibles du régime impérial le plus violent depuis l'Allemagne nazie - alors peut-être votre sensiblerie morale accepterait de modérer vos critiques sur la politique sécuritaire Cubaine et de relativiser vos sermons.

Je voudrais conclure en précisant mes propres «impératifs moraux» - à l'attention des intellectuels critiques.

1 - Le premier devoir des intellectuels occidentaux est de s'opposer à leurs propres dirigeants impérialistes et à leur conquête du monde.

2 - Le deuxième devoir est de clarifier les enjeux moraux dans la lutte entre militaires impérialistes et résistance populaire/nationale et rejeter l'attitude hypocrite qui consiste à mettre sur le même plan d'égalité la terreur de masse des uns et les» contraintes de sécurité justifiées des autres, mêmes si elles sont parfois excessives.

3 - Définir les limites de l'honnêteté politique et individuelle en tenant compte des réalités et des enjeux avant de porter des jugements.

4 - Résister à la tentation de devenir un «héros moral de l'empire» en refusant de soutenir des luttes populaires victorieuses et les régimes révolutionnaires qui ne sont pas parfaits et qui ne jouissent pas de toutes les libertés accordées à des intellectuels impuissants qui ne représentent aucune menace et qui sont donc autorisés à se réunir, discuter et critiquer.

5 - Refuser de se poser en tant que Juge, Procureur et Jury qui condamnerait les progressistes qui ont le courage de défendre des révolutionnaires. L'exemple le plus scandaleux est l'attaque calomnieuse lancée par Susan Sontag contre le Prix Nobel Gabriel Garcia Marquez, qu'elle a accusé de manquer d'intégrité et être un apologiste de la terreur Cubaine (sic). Sontag a prononcé ces accusations sanguinaires à Bogota, Colombie. Les escadrons de la mort Colombiens, en complicité avec le régime, assassinent plus de syndicalistes et de journalistes que dans n'importe quel autre pays au monde, et ils sont loin d'être des «apologistes» du régime de Castro. C'est la même Sontag qui a soutenu avec enthousiasme l'invasion impériale et le bombardement de la Yougoslavie, qui a soutenu le régime intégriste bosniaque et qui est restée silencieuse devant le meurtre et le nettoyage ethnique des Serbes et d'autres au Kosovo. Tu parles d'une intégrité morale! Le sens précieux de supériorité morale qu'on rencontre, chez les intellectuels New-Yorkais autorise Sontag à désigner Marquez aux escadrons de la mort et à penser qu'elle vient de prononcer une déclaration hautement morale.

Les intellectuels occidentaux ne devraient pas confondre leur propre futilité politique et positions inconséquentes avec celles de certains intellectuels latino-américains engagés. Il y a un espace pour un dialogue constructif mais pas pour des attaques personnelles contre ceux qui risquent leur vie tous les jours.

Il est facile pour un intellectuel d’être un «ami de Cuba» pendant les fêtes et les conférences, lorsque le risque est minime. Il est beaucoup plus difficile être un «ami de Cuba» lorsque l'empire totalitaire menace l'île héroïque et pèse de tout son poids sur ses défenseurs.

À une époque de guerres permanentes, de génocides et d'agressions militaires, Cuba a besoin de la solidarité des intellectuels critiques, qu'elle reçoit de partout en Europe et surtout d'Amérique latine. N'est-il pas temps que nous, aux États-Unis, avec nos illustres et prestigieux intellectuels et toutes nos majestueuses sensibilités morales, reconnaissions l'existence d'une révolution vivante et héroïque qui lutte pour se défendre contre l'agresseur US et que nous laissions de coté nos déclarations qui n'ont d'importance que pour nous, que nous soutenions la révolution et que nous rejoignions le million de Cubains qui ont fêté le premier Mai avec leur dirigeant Fidel Castro.

Fermez la page pour retourner.