Ils ont tué Mazen Dana

Ils ont tué Mazen Dana, père de quatre enfants, il travaillait pour Reuters depuis plus de dix ans, notamment a Hébron, dans le sud de la Cisjordanie, d'ou il était originaire.

Un caméraman de l'agence de presse Reuters, Mazen Dana, a été tué dimanche 17 août en Irak alors qu'il travaillait aux abords d'une prison gérée par les Américains en périphérie de Bagdad, a annoncé l'armée américaine.

Des témoins ont rapporté que Dana, de nationalité palestinienne et âgé de 43 ans, avait été abattu par des soldats sur un char américain alors qu'il filmait à l'extérieur de la prison d'Abou Ghraib, à l'ouest de Bagdad.

Ses dernières images montrent un char américain qui se dirige vers lui hors des murs de la prison. Plusieurs coups retentissent du char et la caméra de Dana tombe par terre.

Des journalistes s'étaient rendus aux abords de la prison après l'annonce par l'armée américaine d'une attaque au mortier contre l'établissement pénitentiaire samedi soir.

Le preneur de son de Dana, Nael al-Chioukhi, a expliqué avoir demandé à un soldat américain près de la prison s'ils pouvaient parler à un officier. La requête a été rejetée.

"Ils nous ont vu et connaissaient nos identités et notre mission", a dit Chioukhi. L'incident s'est produit dans l'après-midi, en plein jour.

Le soldat a accepté qu'ils filment un plan général de la prison d'un pont voisin.

"Après avoir filmé nous sommes retournés à la voiture et nous sommes préparés à partir quand un convoi mené par un char est arrivé et Mazen est sorti de la voiture pour filmer. Je l'ai suivi et Mazen a marché trois ou quatre mètres. Nous avons été reconnus et vus clairement", a ajouté Chioukhi.

"Un soldat sur le char nous a tiré dessus. Je me suis couché au sol. J'ai entendu Mazen crier et je l'ai vu se toucher la poitrine.

"J'ai crié sur le soldat, lui disant qu'il avait tué un journaliste. Ils m'ont demandé de reculer et j'ai dit 'je reculerai mais s'il vous plaît aidez nous, aidez nous et arrêtez le saignement'."

"Ils ont tenté de l'aider mais Mazen saignait abondamment. Il a respiré une dernière fois et il est mort sous mes yeux." L'armée américaine a indiqué qu'une enquête était en cours pour tenter de savoir pourquoi des soldats avaient tiré sur Dana.

"Les forces de la coalition ont attaqué un individu dans les parages de la prison d'Abou Ghraib", a déclaré à Reuters à Washington un porte-parole du Pentagone, Bryan Whitman. "L'individu a été plus tard identifié comme étant un journaliste. L'individu a été évacué vers l'hôpital et sa mort a été constatée à son arrivée".

"Une enquête a été ouverte sur l'incident."

Dana était marié et père de quatre enfants. Il travaillait pour Reuters principalement à Hébron, en Cisjordanie. Il avait reçu en 2001 le prix international pour la liberté de la presse du Comité de protection des journalistes pour son travail à Hébron, où il avait été blessé et battu plusieurs fois.

Il était l'un des journalistes de l'agence les plus expérimentés sur les conflits et avait travaillé à Bagdad auparavant, peu après l'entrée des forces américaines dans la capitale irakienne.

La mort de Dana porte à 17 le nombre de journalistes tués en Irak depuis le début de la guerre le 20 mars dernier, même si certains décès étaient accidentels ou naturels.

Deux autres journalistes sont toujours portés disparus depuis les premiers jours du conflit.

Dana est le deuxième caméraman de Reuters à être tué depuis que la coalition américano-britannique a envahi l'Irak pour renverser Saddam Hussein.

Le 8 avril, Taras Protsiuk, un Ukrainien du bureau de Varsovie, avait trouvé la mort quand un char américain avait tiré un obus contre le 15e étage de l'hôtel Palestine, où étaient basés de nombreux médias étrangers à Bagdad. BAGDAD (Reuters)

Je ne pense pas que c'était un accident. Ils sont très tendus. Ils sont fous", raconte Stéphane Breitner, un journaliste de France-2

Quelques minutes avant de tomber sous les balles américaines, le caméraman de l'agence Reuters confiait à un collègue que travailler aussi près des opérations militaires de la coalition ne lui posait pas de problème "tant qu'ils ne me tirent pas dessus."

Mazen Dana, 41 ans, a été abattu par les forces américaines dimanche alors qu'il filmait devant la prison Abou Ghraib, contrôlée par les Américains, à la périphérie de Bagdad.

Les images filmées par le journaliste montrent un char faisant mouvement vers lui. Six tirs sont entendus. Après la première détonation, la caméra bascule en avant et tombe à terre.

 "Nous étions en position depuis une demi-heure environ. (Les soldats) savaient que nous étions journalistes. Après avoir tiré sur Mazen, ils ont dirigé leurs armes vers nous. Je ne pense pas que c'était un accident. Ils sont très tendus. Ils sont fous", raconte Stéphane Breitner, un journaliste de France-2, ajoutant que les soldats avaient essayé de réanimer Dana, mais en vain.

"Ce sont de très jeunes soldats. Ils ne comprennent pas ce qui se passe", explique encore Breitner.

Dans les locaux de Reuters à Bagdad, l'atmosphère était particulièrement lourde dimanche. En signe de deuil, la caméra de Dana y était posée sur le sol, au centre de la salle de rédaction. Des journalistes de différents organismes venaient exprimer leurs condoléances.

L'armée américaine a reconnu lundi avoir abattu un journaliste de l'agence de presse britannique. "Les forces de la coalition ont pris un civil à partie dans les environs de la prison Abou Ghraib. Cet individu s'est avéré être un journaliste. Une enquête a été ouverte", précise le communiqué.

"C'est vraiment un nouvel incendie tragique, c'est extrêmement regrettable", a pour sa part commenté le porte-parole du Commandement central américain, le sergent-chef Lewis Matson.

Le chauffeur de Dana, Munzer Ahbas, explique que le journaliste est descendu de la voiture dès qu'il a vu les chars s'approcher. Après le drame, "un des soldats nous a dit qu'ils croyaient que Mazen portait un lance-grenade", a-t-il affirmé.

Le preneur de son, Nael al-Shyoukhi, accompagnait Mazen Dana sur le terrain. Les soldats américains "nous avaient vus et savaient qui nous étions et pourquoi nous étions là (...) Je suivais Mazen. Un soldat nous a tiré dessus depuis le tank. Je me suis couché à terre puis j'ai vu Mazen crier et se tenir la poitrine (...) Il est mort sous mes yeux", raconte-t-il.

"Mazen était l'un de nos meilleurs cameramen et nous sommes tous effondrés de l'avoir perdu. Il était courageux et avait été primé pour son travail sur de nombreux champs de bataille", a déclaré Stephen Jukes, le directeur de la rédaction de Reuters.

Mazen Dana était marié et père de quatre enfants. Sa mort porte à treize le nombre de journalistes tués en Irak depuis le début des hostilités, le 20 mars 2003.

"Les mots et les images font partie du domaine public. C'est pour cette raison que je continuerai à filmer malgré la dureté de ce métier, et même si je risque ma vie", avait-il dit alors qu'il recevait le Prix international de la liberté de la presse en novembre 2001 pour sa couverture des événements dans sa ville natale de Hébron, en Cisjordanie.

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