James Petras, 4 avril 2007
Traduit par Alexandre Moumbaris et révisé par Fausto Giudice
Pour comprendre la politique impériale étasunienne au Moyen-Orient il faut recourir à une analyse centrée sur quatre points :
Le pouvoir et l’influence d’Israël et de la configuration du pouvoir sioniste (CPS) sur les institutions politiques étasuniennes (le Congrès, la branche exécutive, les mass media, les deux principaux partis politiques et les processus électoraux), leur impact économique sur les institutions d’investissement et de finance (fonds de pension des États et des syndicats, banques d’investissement), leur domination culturelle sur les revues spécialisées, la production artistique, les magazines, le cinéma et les quotidiens. Le pouvoir politique, économique et culturel sioniste vise exclusivement à optimiser l’expansion et à la supériorité militaire, économique et politique d’Israël au Moyen-Orient, même quand celle-ci entre en collision avec d’autres intérêts impérialistes étasuniens.
La capacité de l’empire US à constituer et instrumentaliser les États moyen-orientaux qui sont ses clients et ses forces mercenaires pour exécuter sa politique. Les instruments courants de la politique moyen-orientale des É.-U., les plus proéminents et les plus importants, sont le régime fantoche iraquien, le groupe Abbas-Dahlan en Palestine, les Kurdes en Iraq, le régime Siniora-Harari-Jumblatt au Liban, l’Organisation des moudjahidines du peuple (Iraniens réfugiés en Iraq, NdR), les tribalistes kurdes et sunnites en Iran et le "régime » fantoche somalien soutenu par des mercenaires éthiopiens et ougandais.
Une alliance de régimes et de dirigeants de droite en Jordanie, Égypte, Turquie, Arabie saoudite, États du Golfe et Israël, qui fournissent l’appui politique pour l’occupation coloniale et la division de l’Iraq, les sanctions économiques et la guerre contre l’Iran, le Hezbollah, le Hamas et tout autre mouvement clérico-nationaliste ou de gauche au Moyen-Orient.
Sa capacité à contenir, réprimer, limiter l’opposition de la majorité du public étasunien et la minorité des membres du Congrès, contre la guerre actuelle en Iraq et la future guerre contre l’Iran. Le problème clé de l’impérialisme US est le discrédit des militaristes civils à la Maison Blanche et leur tendance croissante à recourir à de nouvelles "aventures » et « provocations » politiques pour regagner du soutien et accumuler des pouvoirs dictatoriaux dans le bureau présidentiel.
Ces "vecteurs" de la politique moyen-orientale des États-Unis contestés de plus en plus à l’intérieur, comme à l’extérieur, sont assujettis à des contradictions acerbes ainsi qu’à la probabilité de leur échec. Néanmoins, la « machinerie » du pouvoir impérial continue à opérer et à définir la nature de la politique moyen-orientale des États-Unis.
Les vecteurs du pouvoir moyen-oriental des É.-U. : La configuration du pouvoir israélo-sioniste
Pour la première fois dans l’histoire, des empires du monde, une minuscule minorité ethnico-religieuse, représentant moins de 2 % de la population sont en mesure de déterminer la politique étasunienne au Moyen-Orient pour qu’elle serve les intérêts de moins de 1% de la population de cette région du monde. La configuration du pouvoir sioniste (CPS) aux É.-U. avec ses centaines de milliers d’activistes fanatiques dans le pays, peut mobiliser près de 98 % du Congrès en faveur de n’importe quelle législation favorisant Israël, même quand leur approbation est préjudiciable aux multinationales du pétrole. L’AIPAC (Comité des affaires politiques Amérique-Israël) avec 100.000 membres et 100 permanents à plein temps, écrit chaque année, plus de 100 documents législatifs pour le Congrès. Ces documents touchent au commerce, à l’aide-militaire et à la politique de sanctions favorisant Israël. En mars 2007, les dirigeants des deux partis politiques, au Congrès et au Sénat et plus de 50 % de tous les membres du Congrès ont assisté à la convention de l’AIPAC à Washington où ils ont fait acte d’allégeance à l’État d’Israël. Cela s’est fait en dépit du fait que deux dirigeants de l’AIPAC sont en cours de jugement pour espionnage au bénéfice d’Israël et risquent des peines de prison de 20 ans! La configuration de pouvoir sioniste (CPS) comprend beaucoup plus que le "lobby" de l’AIPAC. À l’approche de l’invasion de l’Iraq les sionistes contrôlaient le bureau du vice-président - y compris le criminel condamné Irving "Scooter" Libby — le Pentagone et ses opérations de "renseignement » (Wolfowitz, Feith et Shumsky), et tenaient des positions stratégiques à la Maison blanche et au Conseil de sécurité nationale (NSC) (Frum, auteur de l’allocution de Bush sur « l’Axe du mal », Abrams, criminel pardonné du scandale Iran-Contra, maintenant chargé de la politique moyen-orientale, et Ari Fleischer, porte-parole du président Bush). Les sionistes dominent les pages éditoriales et celles d’opinion des principaux quotidiens (Wall Street Journal, Washington Post et New York Times), les principales chaînes de télévision et Hollywood. Des centaines de fédérations juives interviennent au niveau des États et localement pour prévenir toute critique contre Israël, attaquant toute critique, toute réunion, toute production théâtrale ou cinématographique et réussissant à faire annuler des événements publics.
Les structures du pouvoir sioniste ont été la principale force motrice derrière les plans étasuniens de guerre et de sanctions contre l’Iran. Elles ont appuyé l’invasion de l’Iraq. La CPS a assuré le soutien des États-Unis à l’attaque sanglante israélienne contre le Liban, affaiblissant ainsi le Premier ministre fantoche des É.-U., Fouad Siniora. La CPS a été à l’origine et c’est elle qui assuré le passage de la législation qui bloque tout contact avec le gouvernement d’unité palestinienne. Elle a réussi à aligner le Congrès sur le blocus israélien qui affame la Palestine depuis 20 mois. L’étendue et la profondeur du pouvoir sioniste vont au-delà de la simple influence sur « l’opinion publique » — il pénètre les institutions clés, définit et impose l’application de politiques et promeut des guerres qui bénéficient à Israël.
En un mot la loyauté primordiale de la CPS va à l’État d’Israël et sa politique a été élaborée dans le but de coloniser le Congrès des États-Unis au profit de la "mère patrie », Israël. Les sionistes ont 30 représentants au Congrès et 13 sénateurs. Ils dirigent des commissions clés du Congrès. C’est Rahm Emmanuel, un ancien membre des Forces de défense israéliennes, qui est à la tête d’un organe clé, le Comité électoral du parti Démocrate (Democratic Party Caucus). Emmanuel a contribué à ce dont la majorité du parti démocrate au Congrès élimine une clause essentielle de loi sur le budget de guerre qui aurait empêché Bush d’attaquer l’Iran sans consulter le Congrès. La CPS s’est assuré le soutien absolu et inconditionnel à Israël de tous les candidats à la Présidence et à sa promotion d’une « option de guerre » contre l’Iran. La CPS a réussi à conduire les États-Unis à la guerre contre l’Iraq, mais elle a été incapable d’empêcher la grande majorité des Étasuniens, y compris juive, de s’y opposer. La CPS, suivant en cela la ligne israélienne, a fait des sanctions et de la guerre avec l’Iran sa première priorité. Après avoir réussi à détruire l’Iraq, la CPS cherche maintenant à minimiser son soutien à la politique du régime Bush en Iraq pour consacrer tous ses efforts à pousser les É.-U. à obtenir que le Conseil de sécurité adopte de sévères sanctions économiques contre l’Iran. La politique d’escalade des sanctions contre Iran par les israélo-sionistes, comme ils le déclarent ouvertement dans leurs publications, a réussi. Leur écrasante efficacité à déterminer la politique étasunienne par rapport à l’Iran, a conduit leurs mentors israéliens à leur suggérer la prudence et de ne pas trop jouer de leur puissance.
La dominance flagrante de la CPS sur la politique moyen-orientale des É.-U. a pour la première fois provoquée une large opposition des nationalistes patriotes parmi les responsables militaires, les conservateurs, ainsi que parmi un nombre grandissant d’universitaires, y compris un minuscule groupe de millionnaires (Soros) et d’intellectuels juifs. Pour la première fois un important débat s’est ouvert pour savoir si Israël est "un actif » ou « un passif » stratégique pour les intérêts impériaux US. L’opposition à la CPS, comprend aussi bien des individus pro-empire que des anti-impérialistes. Les critiques pro-empire argumentent qu’Israël aurait bénéficié de plus de 110 milliards de dollars en dons et en prêts directs, qu’il a un accès privilégié aux technologies d’armement et qu’il concurrence l’industrie US de l’armement. Ils affirment que l’oppression coloniale israélienne en Palestine crée des tensions et des conflits préjudiciables à l’industrie pétrolière US et soutiennent que les politiques de guerre israélienne au Moyen-Orient, appuyées par les sionistes, nuisent à l’expansion des intérêts des multinationales pétrolières et financières, alliés des "pays pétroliers » conservateurs arabes.
Les opposants anti-empire au contrôle sioniste de la politique moyen-orientale des É.-U., disent que l’invasion de l’Iraq a provoqué des millions de morts ou blessés iraquiens, ainsi que de dizaines de milliers de soldats étasuniens, qu’elle a coûté plus de 500 milliards de dollars, et conduits à la destruction des protections et des droits civiques constitutionnels étasuniens. Ils appellent au retrait immédiat des troupes étasuniennes et exigent la dénucléarisation du Moyen-Orient, à commencer par Israël.
Comme les sionistes conduisent le Congrès par le bout du nez à une autre guerre majeure cette fois-ci avec l’Iran ("l’option militaire"), ils ont à faire à une résistance mondiale croissante. Des alliés de l’Iran au Liban, en Palestine, en Iraq et partout au Moyen-Orient peuvent attaquer et détruire les plus importantes installations pétrolières dans le monde – Arabie saoudite, émirats du Golfe – ainsi que les plus importantes voies maritimes des pétroliers (Détroit de Hormuz). Le soutien extrémiste fanatique de la CPS à Israël est évident dans leur volonté de risquer une guerre et une dépression mondiales en défendant les ambitions de Tel-Aviv de régner sur le Moyen-Orient et de détruire son adversaire clé, l’Iran, un pays de 80 millions d’habitants. La lutte contre la CPS aux É.-U. est la clé de la paix au Moyen-Orient, la clé pour arrêter les pressions US sur le Conseil de sécurité, et empêcher les pays de l’OTAN et du Moyen-Orient de se suicider collectivement. Malheureusement, la gauche étasunienne, particulièrement le mouvement de la paix sous influence sioniste, refuse de faire face à cette réalité. Cela ne laisse qu’une seule voie pour changer la politique guerrière des É.-U. au Moyen-Orient : la résistance extérieure. Ce n’est que la résistance de masse au Moyen-Orient et ailleurs qui peut imposer des lourdes pertes à l’économie et aux militaires étasuniens; elle seule pourrait obliger le peuple des États-Unis à contrer la CPS. Ce n’est que lorsque le coût des guerres attisées par les sionistes au Moyen-Orient aura dévasté les États-Unis que nous pourrons nous attendre à un retour de bâton populaire contre l’étranglement du Congrès par la structure du pouvoir sioniste. Ce n’est qu’alors que nous pourrons espérer voir un début de retrait des militaires étasuniens du Moyen-Orient.
Des clients instrumentalisés
Étant donné les coûts politiques et économiques élevés de la participation prolongée, à grande échelle et extensive des forces armées aux guerres coloniales, Washington a augmenté sa dépendance par rapport aux régimes clients et aux organisations terroristes, pour lui fournir des forces militaires et de renseignement mercenaire. Le financement massif par les É.-U. des forces « iraquiennes » de sécurité, qui éventuellement devraient remplacer les troupes terrestres étasuniennes comme principaux défenseurs du régime fantoche et des bases militaires étasuniennes, est un exemple. L’entraînement, le conseil et le financement par Washington et d’Israël des Kurdes en Iraq du Nord, en Iran et en Syrie est un autre exemple. Par l’instrumentalisation des mercenaires locaux, Washington atteint plusieurs buts politiques et de propagande.
En premier lieu, cela crée l’illusion que Washington "cède » graduellement le pouvoir au régime fantoche "local".
Deuxièmement, cela donne l’impression que le régime fantoche est capable de gouverner.
Troisièmement, Washington peut répandre le mythe qu’une armée "stable » et « fiable », basée localement, existe.
Quatrièmement, la présence de mercenaires locaux crédibilise le mythe que le conflit est une « guerre civile » plutôt qu’une lutte de libération nationale contre une puissance coloniale.
L’usage impérialiste des Kurdes en Iraq du Nord sert de plusieurs manières les objectifs stratégiques de l’empire.
Premièrement, les Kurdes sont utilisés pour réprimer les forces anticoloniales arabes et turkmènes, à travers tout l’Iraq, mais plus spécialement dans le Nord.
Deuxièmement, le projet impérialiste de découper la République iraquienne en trois ou quatre fragments est aidé par le séparatisme kurde, la saisie des champs pétrolifères dans des régions multiethniques et la cession contractuelle de leurs droits d’exploitation à des multinationales étrangères (Financial Times, 23.3.2007, p.5). Les États-Unis ont mis la pression sur le gouvernement fantoche iraquien pour qu’il permette aux Kurdes de nettoyer ethniquement Kirkouk et d’autres villes mixtes au nord de l’Iraq, de leurs habitants arabes et de Turkmènes (Al Jazeera, 31.3.2007). Le régime client kurde, sert - en dépit des démentis US - comme base d’opérations aux séparatistes et commandos kurdes contre l’Iran, la Syrie et la Turquie.
Les régimes clients des É.-U., au Moyen-Orient et dans la corne de l’Afrique, ont des fonctions spécifiques pour construire l’empire étasunien au Moyen-Orient et pour servir les intérêts israéliens.
Au Liban, les maronites chrétiens et le régime fantoche de Fouad Siniora sont financés et armés pour affaiblir la coalition politico-militaire anti-impérialiste de masse conduite par le Hezbollah.
Les États clients du Golfe et d’Arabie saoudite fournissent le pétrole, le renseignement et les bases militaires comme bases pour la surveillance du Moyen-Orient.
L’Égypte de la Jordanie fournissent du renseignement obtenus par des interrogatoires sous la torture, de prisonniers politiques ou militaires, capturés ou enlevés, particulièrement des résistances afghane et iraquienne.
L’Afghanistan a à sa tête le "président" fantoche, Hamid Karzai, allié des narco-seigneurs de guerre afghans qui produisent 80% de l’héroïne vendue en Europe et dans le reste du monde.
Le dictateur éthiopien, Meles Zenawi, soutenu et dirigé par les USA, est intervenu en Somalie pour renverser le gouvernement indépendant des Tribunaux islamiques, et installer le fantoche Abdullah Yusuf Ahmed. Par la suite un nouveau contingent de mercenaires a été envoyé par le dictateur-client ougandais, Yoweri Museveni, pour étayer le régime Yusuf imposé par l’Éthiopie et confronté à une résistance armée anti-impérialiste massive.
Une évaluation rigoureuse de la capacité des É.-U. à se servir de régimes clients et de forces mercenaires, révèle des nombreux échecs et un soutien déclinant. L’armée mercenaire iraquienne affectée par un haut taux de désertion, continue à jouer le "double rôle" - d'un côté, elle est au service des É.-U., et de l’autre fourni à la résistance des renseignements, des armes et des combattants – quand ils ne sont pas de service. Plus important encore, l’échec de la politique étasunienne consistant à utiliser des mercenaires pour défaire la résistance, est évident dans l’augmentation des forces militaires étasuniennes au combat en Iraq après cinq ans de guerre coloniale, de 140 000 à 170 000 au printemps de 2007.
Au Liban le Hezbollah a battu les envahisseurs israéliens et a isolé, de plus en plus, le régime fantoche de Siniora bien que les États-Unis aient réussi à introduire la présence militaire des Nations Unies, une vaine tentative d’isoler le Hezbollah. Les livraisons massives par les USA d’armes à ses mercenaires – chrétiens, druzes et sunnites – en 2007 laissent présager un nouvel effort pour provoquer une "guerre civile » pour affaiblir le Hezbollah et ses alliés anti-impérialistes palestiniens.
Le blocus et les massacres israéliens en Palestine (Bande de Gaza et Cisjordanie), depuis l’élection du gouvernement du Hamas ainsi que l’utilisation des clients étasuniens, Abbas et Dahlan, n’ont pas réussi à affaiblir la lutte de libération nationale palestinienne. Par contre, ils ont réussi à provoquer un mini-conflit civil.
En Somalie la résistance s’est regroupée et avance partout dans le pays, particulièrement à Mogadiscio où les combats se sont intensifiés autour du palais présidentiel. La conquête us-Éthiopienne n’a pas pu défaire le mouvement anti-impérialiste et stabiliser le régime fantoche. Si les mercenaires éthiopiens devaient être forcés à partir, il est fortement probable que le régime du fantoche Yusuf s’écroulerait, malgré la présence des mercenaires ougandais, en quelques jours.
Le soutien des É.-U. au régime-client « autonome » kurde en Iraq du Nord, et ses prétentions expansionnistes à un « Grand Kurdistan », qui comprendrait de gros morceaux de territoires de Turquie, d’Iran, d’Iraq et de Syrie, a donné lieu à des contradictions intenses avec ses « alliés » turcs. Un nouvel État taillé dans le territoire de l’Iraq du Nord servirait de base pour le lancement d’attaques transfrontalières contre l’Anatolie [Turquie], spécialement par le PKK, mais également soutenues par l’élite gouvernante kurde d’Iraq. Cela pourrait conduire à ce que la Turquie envahisse le nord de l’Iraq dans le but de détruire les bases du PKK, ce qui aurait pour conséquence une guerre turco-kurde et le sévère affaiblissant de la stratégie mercenaire des États-Unis en Iraq et fragiliserait la structure de ses alliances qui assurent sa domination au Moyen-Orient.
La stratégie des États-Unis et d’Israël, de diviser et de détruire la résistance palestinienne par un boycott économique, est en train de s’effondrer. Depuis les accords de La Mecque entre le Hamas et l’Autorité palestinienne de nombreux pays européens et arabes ont ouvert des négociations, renouvelé leur aide économique, rétabli le commerce et reconnu la coalition conduite par le Hamas comme légitime.
Au Liban, le régime Siniora terré à Beyrouth n’a pas réussi à affaiblir le Hezbollah et n’existe que grâce au soutien financier (et militaire) des É.-U., de l’Europe et de l’Arabie saoudite. L’armée libanaise est divisée. Les forces des Nations Unies refusent de désarmer le Hezbollah. Israël a perdu toute envie d’une nouvelle invasion. Il est clair que les États-Unis ont perdu de l’influence au Liban alors que la puissance du bloc Hezbollah-Hamas-Iran se renforce.
Les efforts des États-Unis pour former une alliance s’étendant de l’Arabie saoudite à travers les émirats du Golfe, la Jordanie, Israël jusqu’à l’Égypte, a échoué, principalement a cause des ambitions coloniales d’Israël en Palestine et ses menaces militaires contre tous les pays "musulmans". La désastreuse invasion du Liban par Israël a forcé les régimes clients des USA à s’opposer à la politique israélienne. Le rejet par Israël du pacte palestinien de La Mecque et le pouvoir de l’AIPAC de forcer Washington à suivre la ligne israélienne, lui a aliéné l’Arabie saoudite et plusieurs de ses alliés européens. En fait, en conséquence du rejet par les États-Unis de la proposition saoudienne de paix qui avait été approuvée par la Ligue arabe, la monarchie a critiqué l’occupation par les États-Unis de l’Iraq ainsi que ses menaces contre l’Iran. Même des mini-États — tels que les émirats — ont déclaré leur opposition à une attaque militaire des É.-U. contre l’Iran. L’opposition des régimes « clients du Golfe » marque le déclin de la domination des États-Unis et la faillite de sa politique pro-israélienne. Il ne peut pas y avoir de relation stable entre l’impérialisme étasunien et ses clients moyen-orientaux arabes, tant qu’il y a un régime expansionniste, colonial, sioniste au pouvoir en Israël. La CPS a réussi, par sa capacité à subordonner la politique des États-Unis aux intérêts israéliens, à assurer l’instabilité des relations clientélistes entre les États-Unis et les pays arabes.
La stratégie étasunienne "d’instrumentaliser » des clients locaux et des armées mercenaires, pour contrôler le Moyen-Orient dans l’intérêt de l’empire étasunien est en train d’échouer et, dans les circonstances actuelles, elle trouve peu de bases pour être éventuellement restaurée.
Alliances régionales : Partage du pouvoir au Moyen-Orient?
L’obstacle premier qui empêche Washington d’avancer son "programme arabe » — qui est de consolider son influence sur ses clients arabes, organiser le soutien des États arabes à la guerre en Iraq, isoler l’Iran et développer ses intérêts pétroliers - est l’omniprésence du pouvoir de veto de la cinquième colonne israélienne, la CPS et son contrôle sur le Congrès des États-Unis et son pouvoir sur la branche exécutive. En conséquence, Washington a rejeté la proposition saoudienne à Israël de "la terre contre la paix et la reconnaissance ». Les É.-U. ont rejeté l’accord saoudien pour créer un gouvernement palestinien unifié, rejeté les propositions des pays arabes du Golfe, Syrienne, Iraquienne, Saoudienne, russe et Chinoise qui prévoyait des négociations diplomatiques avec l’Iran et la Syrie.
Les États-Unis ont complètement échoué dans la construction d’une alliance de « partage de pouvoir » au Moyen-Orient, dans le style OTAN – excepté avec la Turquie et Israël - pour plusieurs raisons.
La majorité écrasante (80 à 95 %) de la population arabe rejette un tel accord qui risque de lui enlever le peu d’autorité qui reste aux régimes clients.
Les É.-U. n’offrent rien en « compensation » (quid pro quo) pour le soutien arabe en échange de la défense de la suprématie impériale des États-Unis – même pas une pression sur Israël pour qu’il cède un territoire semi-aride comme celui de la Cisjordanie aux Palestiniens.
La structure du pouvoir d’une alliance entre les États-Unis et le Moyen-Orient est si asymétrique – le rapport de forces est tellement en faveur de Washington – qu’il y a peu de base pour des négociations et le partage des coûts et des gains.
À cause de l’inégalité du pouvoir, certains gouvernements, comme celui de l’Arabie saoudite, qui a un imposant pouvoir économique, craignent de se faire absorber par les États-Unis.
En conséquence, plutôt qu’une alliance moyen-orientale formelle entre les USA et les Arabes, il y a des accords bilatéraux et des concessions spécifiques, tels que : des bases militaires (Oman, Arabie saoudite et Turquie), des accords relatifs au renseignement et les interrogatoires sous la torture (Syrie, Égypte et Jordanie), des accords de distribution du pétrole (Pays du Golfe et Arabie saoudite).
Ces accords bilatéraux fournissent à Washington une influence significative, mais pas le contrôle formel sur la richesse – étant donné que le pétrole est nationalisé – ni ne permettent l’usage de la force militaire pour la promotion de la suprématie régionale des États-Unis et d’Israël.
« L’alliance » des États-Unis avec Israël est basée sur une forme différente d’influence et de gains asymétriques. À cause du pouvoir israélo-sioniste sur les institutions politiques aux USA, ces derniers ne peuvent poursuivre au Moyen-Orient que des politiques qui promeuvent les intérêts stratégiques d’Israël. L’asymétrie du pouvoir dans les relations entre Israël et les États-Unis se voit dans les coûts et les gains dans les cadres des relations économiques, militaires, politiques et diplomatiques. Les États-Unis paient un "tribut » de plus de 3 milliards de dollars par an (pour la plupart des dons) à Israël, un pays qui avec un revenu annuel par habitant de 25 000 $ (en 2006) est supérieur à celui de 25 % de la population US! Israël bénéficie de droits d’entrée libre sur les marchés étasuniens, d’un droit d’émigration aux É.-U. sans obstacles ni limites, d’exemptions fiscales pour l’achat de bons du Trésor israélien, de la technologie militaire la plus avancée des É.-U., ce qui lui permet de « concurrencer » avec avantage le complexe militaro-industriel US sur les plus importants marchés tels que des ventes d’un milliard de dollars à l’Inde, à l’Afrique et même aux É.-U.! Israël fait fonctionner un lobby sioniste de 100.000 membres qui influence la politique des États-Unis : Washington n’a pas un seul lobbyiste pro-US en Israël.
Dans les années Reagan, pour couvrir l’influence sioniste dans l’élaboration de la politique des É.-U. au Moyen-Orient au service des intérêts d’Israël, le lobbyiste clé et suspect inculpé d’espionnage, Steve Rosen avait promu l’idée qu’Israël était un "atout stratégique » au Moyen-Orient (Edward Tivman, The Lobby, Simon and Schuster, NY 1987, page 180) – ce qui correspond à la ligne actuelle des sionistes de "gauche » qui tente de minimiser le rôle du lobby.
En d’autres termes, la soi-disant alliance entre les États-Unis et Israël subordonne la politique étrangère et diplomatique, ainsi que ses ressources militaires au Moyen-Orient au besoin du « Grand Israël », conséquence du fait que la CPS possède une plus importante influence politique au Congrès que les industries du pétrole et celles de l’armement, ainsi que les militaires ou même le Président.
L’alliance entre les États-Unis et la Turquie est asymétrique
La Turquie fournit aux États-Unis des bases militaires, elle s’allie avec Israël (malgré l’opposition populaire majoritaire), soutient la guerre étasunienne en Iraq – malgré les énormes pertes que cela entraîne pour son commerce et ses revenus fiscaux. En échange, la Turquie est confrontée sur sa frontière avec l’Iraq, avec un État kurde séparatiste soutenu par les États-Unis, qui permet des attaques transfrontalières par des insurgés armés kurdes. Ceux qui déterminent la politique étasunienne ont donné la plus haute priorité à la satisfaction des revendications territoriales kurdes comme mécanisme pour assurer le soutien militaire peshmerga à la répression de la résistance nationale iraquienne. Les exigences turques que les États-Unis contrôlent les revendications expansionnistes kurdes sur l’Anatolie sont ignorées. Washington estime que le gouvernement turc se soumettra à l’alliance étasunienne avec les Kurdes. La Maison Blanche a écarté les menaces turques d’envahir le "Kurdistan" de facto comme inconséquentes. Étant donné la volonté du gouvernement turc de poursuivre ses démarches d’adhésion à l’Union européenne, Washington pense qu’Ankara s’abstiendra de toute intervention militaire en Iraq du Nord.
Néanmoins, il y a de bonnes raisons de croire que les bastions de la guérilla kurde en Iraq du Nord reçoivent des armes, de l’argent, des recrues et le "feu vert » de la part du gouvernement « autonome » kurde. Il est probable que le conflit en Anatolie s’intensifiera maintenant que les Kurdes ont le soutien financier de la part des militaires étasuniens en Iraq et les revenus du pétrole provenant des puits qu’ils ont récemment saisis. Il y a aussi peu de doute que des armes étasuniennes données aux Kurdes d’Iraq sont passées aux Kurdes en Anatolie. La question qui se pose est : si et pour combien de temps, les militaires turcs continueront à supporter la stratégie us-kurde en Iraq du Nord, avec ses effets de débordement en Anatolie, ou si Ankara lancera une incursion de grande échelle contre les adeptes "révolutionnaires » du « colonialisme démocratique », pour reprendre le terme utilisé par le PKK pour qualifier l’occupation impériale de l’Iraq par les États-Unis.
L’expérience du XXIe siècle de la construction de l’empire US au Moyen-Orient
Une analyse sérieuse de la stratégie de construction de l’empire US doit prendre en compte le fait que les tactiques ont changé tandis que les objectifs stratégiques sont restés strictement inchangés. Les États-Unis ont lancé l’invasion de l’Iraq unilatéralement, mais lorsqu’ils ont été confrontés à une résistance intensifiée ils ont changé de tactique pour une approche multilatérale, recherchant le soutien de forces mercenaires de leurs alliés européens et de leurs clients du tiers-monde. Comme les forces de résistance ont pris le dessus, Washington a recruté un grand contingent de mercenaires étrangers (50.000) et 200.000 collaborateurs iraquiens. Au départ, Washington avait ramené des politiciens iraquiens "exilés » pour former un régime fantoche; puis soutenu les chefs de clan conservateurs chiites; puis recruté fortement parmi les Kurdes. Comme chaque nouvelle « tactique » impériale échouait face à la résistance, Washington augmentait son armée d’occupation et son armée coloniale iraquienne. Mais chaque escalade provoquait une montée de l’opposition. Chaque alliance tactique, créait des nouveaux antagonismes avec les sunnites, les baathistes et les Turkmènes. Les principaux alliés militaires et régimes clients ont commencé à retirer leurs troupes de la "coalition » dominée par les É.-U., en prévision de son inévitable défaite.
Face à l’isolement militaire en Iraq et au déclin du soutien populaire aux États-Unis, la réponse de Washington consiste à militariser le Moyen-Orient et à préparer une nouvelle guerre contre l’Iran. Washington croit qu’une attaque contre l’Iran mobilisera la CPS dans sa totalité (des centaines de fédérations juives locales aux lobbys de Washington), laquelle exercera un contrôle sur le comportement du Congrès, des deux partis (particulièrement les Démocrates) et les mass-médias. La Maison Blanche croit qu’une attaque contre l’Iran servirait à rallier le peuple étasunien derrière son président, à soulever une ferveur chauvine et augmenter la popularité de Bush. La Maison Blanche croit pouvoir engager une guerre aérienne et maritime, où son aviation détruirait les défenses iraniennes sans subir des pertes sérieuses. Washington croit pouvoir isoler le conflit au seul Iran et ensuite s’attaquer à la Syrie et au Hezbollah et faciliter la "solution finale » de la question palestinienne.
La politique de Washington de guerre permanente est un pari insensé, fou, comparable à celui de Hitler quand il s’est attaqué à la Russie après sa conquête de la Pologne et de parties de l’ d’Europe occidentale. Des nouvelles guerres pour faire face à des guerres perdues, ne peuvent conduire qu’à des défaites encore plus grandes, des plus grandes rébellions aux États-Unis et d’autres guerres plus larges encore.
Lancer une attaque contre l’Iran signifie s’attaquer à un pays trois fois plus grand que l’Iraq avec une armée hautement motivée, capable de traverser la frontière et, en alliance avec les milices pro-iraniennes à Bagdad et ailleurs, de s’attaquer aux troupes étasuniennes au sol en Iraq.
Deuxièmement, la configuration régionale des pays arabes contrairement à la période d’avant l’invasion de l’Iraq est déjà hautement polarisée contre les États-Unis.
Troisièmement, l’Iran possède des alliés puissants au Liban, en Iraq et à travers le monde musulman, et il est à prévoir qu’ils prendront des mesures de rétorsion contre les intérêts des États-Unis et ceux de leurs clients.
Quatrièmement, l’Iran peut facilement attaquer le Détroit d’Hormuz et des installations pétrolières majeures dans les émirats du Golfe, l’Arabie saoudite, l’Iraq ainsi qu’en Iran même – ce qui conduirait à une pénurie massive de pétrole et de la multiplication de son prix par quatre.
Quel que soit le résultat à court terme d’une attaque étasunienne contre l’Iran, à la fin les États-Unis perdront : les pertes militaires seront ressenties à travers l’Iraq, la catastrophe pétrolière fera des vagues dans le monde entier, les conséquences politiques seront une plus grande polarisation à travers l’Europe, l’Asie et bien entendu le Moyen-Orient, contre l’axe États-Unis/Israël. Le résultat sera la disparition finale du régime Bush et le discrédit total du parti démocrate contrôlé par les sionistes. Une récession économique majeure provoquera des conflits ouverts de classe et nationaux. Une fois de plus, la guerre impérialiste pourra accoucher de révolutions : la Révolution russe à suivi la Première Guerre mondiale, la Révolution chinoise à suivi la Seconde Guerre mondiale, la Troisième Guerre mondiale nous conduira-t-elle à un nouveau cycle révolutionnaire?
James Petras, ancien professeur de sociologie à l’Université de Binghamton, New York, a à son actif 50 ans d’adhésion à la lutte de classe et 61 ouvrages. Conseiller des mouvements de sans terre et de chômeurs au Brésil et en Argentine et co-auteur de Globalization Unmasked (Zed).
http://revoltes.free.fr/
http://www.tlaxcala.es/pp.asp ?reference=2413&lg=fr
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