De Munich au Pacte Germano-Soviétique

Maurice Hartmann

Pour le 100e anniversaire de la naissance du Staline – 21 décembre 1879

Édition électronique réalisée par Vincent Gouysse

« Je suis loin de vouloir moraliser sur la politique de non-intervention, de parler de trahison, de félonie, etc... Il serait puéril de faire la morale à des gens qui ne reconnaissent pas la morale humaine. La politique est la politique, comme disent les vieux diplomates bourgeois rompus aux affaires. Toutefois, il est nécessaire de remarquer que le grand et périlleux jeu politique, commencé par les partisans de la politique de non-intervention, pourrait bien finir pour eux par un sérieux échec. » J. Staline

Ces paroles prophétiques de Joseph Staline furent prononcées le 10 mars 1939 au XVIIIe congrès du Parti Communiste de l'Union Soviétique au cours du rapport sur l'activité du Comité Central et concluaient l'analyse qu'il venait de faire, concernant l'évolution de la situation politique internationale depuis le XVIIe congrès en 1934.

Cette période était caractérisée par la montée régulière des forces de guerre dans un monde qui venait d'être frappé d'une crise économique sans précédent, de 1929 à 1933. Le nombre des chômeurs dans les principaux pays industrialisés s'était élevé à 30 millions, la production descendit à moins de 50 % de ce qu'elle était avant la crise.

Ce désastre économique rendit la lutte pour les matières premières et les débouchés plus âpre entre les pays capitalistes. L'Allemagne, l'Italie, le Japon voulaient obtenir une nouvelle répartition des zones d'influences, des richesses et des territoires, contre les nations satisfaites par les suites de la guerre 1914-1918 : Angleterre, France, États-Unis. L'opposition entre ces groupes d'États était majeure et s'il n'y avait eu que ce genre de difficultés entre eux, on aurait abouti à une nouvelle guerre impérialiste sans autre caractéristique. Mais, à l'intérieur de chaque État capitaliste, la lutte des classes s'était développée et les grandes bourgeoisies italienne et allemande avaient réussi à substituer le fascisme aux formes démocratiques bourgeoises utilisées auparavant, alors que dans les autres pays capitalistes la structure libéro-démocratique avait subsisté, non sans luttes, et permettait à la classe ouvrière et aux autres couches laborieuses d'agir efficacement pour la défense de leurs intérêts. Enfin, et c'est là l'élément le plus important, le monde était désormais divisé en deux systèmes économiques différents et antagonistes par nature :

 le capitaliste qui porte en lui sa contradiction fatale qui ressort de la propriété privée des moyens de production et d'échange (usines, magasins, banques) et le mode de production et de distribution qui est collectif, qui fait appel à de grandes masses de participants,

– et le socialiste en Russie où tous les moyens de production (usines, magasins, banques, agriculture) ont été remis à la nation et dont l'exploitation planifiée bénéficie à la collectivité tout entière.

De tous ces éléments imbriqués résultait une situation embrouillée où alternativement, un aspect de la question prenait le pas sur l'autre, cependant que, de l'acuité des luttes inter-puissances sortaient des conflits armés : l'Italie à la conquête de l'Éthiopie, le Japon contre la Chine.

Bientôt ce fut le problème de classe, c'est-à-dire l'antisoviétisme qui prit le dessus; mais cette politique, dirigée contre l'intérêt des peuples, était absolument inavouable par les gouvernements de la France et de l'Angleterre dans cette période d'avant-guerre. Il fallait camoufler cette orientation antisoviétique afin que son objectif final n'apparaisse d'aucune façon. Alors, on vit fleurir des expressions nouvelles, des slogans « grande consommation » pour égarer le plus possible l'opinion publique, comme par exemple : « non-intervention » formule paraissant sage à l'opinion populaire. On pouvait croire qu'en n'intervenant pas on sauvegardait la paix. La preuve a été apportée du contraire !

Toute une politique a été montée dont l'initiatrice était l'Angleterre qui avait comme justification l' « apaisement » et qui permettait, sous ce prétexte, d'accorder de multiples avantages aux États agresseurs. Mais, le mot le plus employé, le mot sacré, c'était la « Paix » ; avec lui, tout était permis, la honte n'avait plus droit de cité. Par ce mot, toutes les trahisons étaient permises ; mais au bout : ... 50 millions de morts !

Il s'agissait bien d'une politique inavouable, prenons quelques exemples. Si Munich est le point culminant de la préparation à la guerre, il fut précédé par une suite de capitulations de la France et de l'Angleterre, les deux nations visées par les agresseurs. Nous les avons signalées au chapitre précédent; elles sont autant de jalons sur la route des abandons, elles s'appellent : 16 mars 1935, 16 septembre 1935, octobre 1935, 7 mars 1936, juillet 1936, à chaque fois, c'est un pas nouveau vers la guerre en attendant le plus définitif de tous, le pacte de Munich.

En France, le 3 mai 1936, eurent lieu des élections générales qui virent la victoire du Front populaire ; c'était une grande victoire démocratique mais qui serait restée limitée si elle n'avait été accompagnée d'une formidable action populaire. En mai et juin un mouvement gréviste d'un style nouveau se développa avec ampleur. Pour la première fois les travailleurs faisaient grève sur place donc avec occupation des locaux de travail ; puissants, spontanés, unanimes, ils risquaient de tout emporter, du moins la bourgeoisie le crut ; ce fut sa plus grande peur. Comme le déclara Léon Blum, chef du gouvernement : « Jamais je n'aurais pu, en un si court délai, s'il n'y avait eu le mouvement gréviste, faire passer un tel train de revendications sociales », – augmentation des salaires, semaine de 40 heures, conventions collectives, congés payés, délégués du personnel.

C'était l'euphorie parmi les travailleurs, mais de gros nuages survinrent rapidement. Le 18 juillet on apprenait qu'un soulèvement militaire venait d'éclater en Espagne contre le gouvernement de Front populaire qui était sorti des urnes en mars précédent. L'insurrection était dirigée par le général Franco qui se plaçait à la tête de la réaction fascisante avec ses soldats marocains pour défaire ce qu'avait voulu le suffrage universel. Dès les premières semaines la preuve était apportée qu'un appui logistique était fourni à Franco par Hitler et Mussolini sous la forme d'aviation et d'artillerie d'abord, et ensuite beaucoup plus massivement comme le démontre cet extrait de l'ouvrage de Churchill déjà cité page 261 ; il s'agit d'une conversation au sujet de l'Autriche entre Chamberlain Eden et le Comte Grandi : « L'ambassadeur refusa, et de discuter sur l'attitude que l'Italie prendrait à l'égard de l'Autriche, et de prendre en considération le projet anglais de retrait des volontaires, ou soi-disant tels, en Espagne (II s'agissait en réalité de 5 divisions de l'armée régulière italienne) ».

Il était de l'intérêt évident de la France d'aider le gouvernement légal de l'Espagne à maîtriser, non seulement ses rebelles, mais également de chasser les armées étrangères qui l'avaient envahie à la faveur de l'insurrection militaire. Il n'en fut rien, on ne le fit pas, mais plus encore, le gouvernement français refusa de livrer des commandes d'armement qui avaient été faites avant les événements.

Ainsi, ce qu'aucun autre gouvernement français n'aurait pu faire, qu'il soit dirigé par Laval, Tardieu ou Poincaré, le gouvernement de Front populaire le réalisa. Léon Blum était le seul politicien à pouvoir empêcher que la solidarité matérielle du peuple français ne s'exerçât en faveur du peuple espagnol et cela avec une trouvaille diabolique : alors qu'Hitler et Mussolini intervenaient en faveur des rebelles et qu'il était bien clair qu'ils continueraient quoi qu'il advienne, Léon Blum et ses complices de Grande- Bretagne inventèrent la non-intervention, déclarant que chacun aurait à cœur d'honorer et de respecter son engagement, ce que jamais, bien entendu ne firent les deux dictateurs, mais ce qu'observa rigoureusement l'Angleterre et la France. Seule la Russie malgré son éloignement, fit parvenir des armes au gouvernement espagnol.

Cet épisode de la vie internationale n'a sa place ici que pour montrer à quel point peuvent jouer, pour la bourgeoisie, les intérêts de classe ; combien la vie des peuples et l'indépendance des nations pèsent peu au regard de la suprématie d'une caste que les dirigeants bourgeois servent fidèlement.

De ce fait, alors qu'il pouvait déjà contrôler deux des frontières françaises, le fascisme s'installe sur la troisième et dernière sans que les responsables français appellent à réagir. C'est plus qu'aberrant ! Que pouvaient penser les dirigeants soviétiques, et Staline en premier lieu, de cet aveuglement inspiré par les plus bas calculs ?

La guerre civile espagnole, si l'on peut dire, dura presque trois années, fit des centaines de milliers de victimes et se déroula avec une sauvagerie inouïe.

Une formule célèbre est née dans cette guerre. Comme la résistance des républicains s'épuisait et que la chute de la capitale était prévisible puisque quatre colonnes franquistes convergeaient vers Madrid, quelqu'un demanda laquelle de ces quatre colonnes prendrait la ville : « Aucune » fut-il répondu, « ce sera la cinquième », c'est-à-dire tous les partisans de Franco, donc de l'ennemi à l'intérieur des lignes républicaines qui attendaient le moment favorable pour poignarder dans le dos les républicains ; de là, date l'expression cinquième colonne. Elle devait s'illustrer partout au cours de la guerre qui venait à grands pas comme l'atteste l'affaire de Munich.

Munich, c'est-à-dire le traité signé le 29 septembre 1938 entre l'Allemagne, l'Angleterre, la France et l'Italie, constitue l'événement le plus important de l'avant-guerre, le plus décisif également quant à la marche vers la guerre, le plus fructueux pour la politique Hitlérienne. Avant d'en examiner les divers aspects, rappelons que l'Union Soviétique multiplia ses efforts, prit de nombreuses initiatives, soumit des propositions notamment à la France et à l'Angleterre pour essayer d'enrayer la course à l'abîme.

Rien n'y fit ; la décision était déjà prise dans les cercles restreints des grandes bourgeoisies qui détiennent le pouvoir à ce moment-là et qui étaient fixées sur l'idée qu'Hitler constituait le meilleur rempart contre le communisme. En Grande-Bretagne c'était le même cas avec le groupe dominé par Chamberlain ; par contre, des minorités de la tendance Churchill, sans diverger sur le fond, appréciaient justement et appréhendaient les dangers qu'une telle politique faisait courir à leur nation et, par voie de conséquence, à leur pouvoir de domination de classe. Il est d'ailleurs habituel pour ces castes de ne jamais « mettre tous les œufs dans le même panier ». Ceci se vérifie aussi en France.

Ces événements de l'avant-guerre sont tellement liés les uns aux autres, la politique nazie épouse une telle continuité, toute tendue vers les ambitions de la domination de la race germanique, que chaque fait historique important, comme l'absorption de l'Autriche, ne constitue en réalité qu'un épisode, qu'une étape vers l'unique but.

Si, comme nous l'indiquons au chapitre précédent, dès son accession au pouvoir, Hitler manifesta le désir de s'emparer de l'Autriche, bien qu'il ne le dit pas ouvertement, il fut obligé de tempérer son impatience ; les conditions n'étaient pas réunies. Mais, après les succès qu'il remporta successivement avec la connivence bien dissimulée de la France et de l'Angleterre, il s'enhardit. Au début de 1938 et le 12 février, il convoqua à Berchtesgaden le chancelier autrichien Schuschnigg qui s'y rendit accompagné de son ministre des affaires étrangères Guido Schmidt. Là, il leur fit part de ses exigences. Il n'est pas utile d'entrer dans le détail, disons simplement qu'un mois plus tard, les 12 et 13 mars, l'occupation de l'Autriche était réalisée. Mais on retiendra, rapporté par Churchill – ouvrage cité, page 268, cette partie du dialogue Hitler-Schuschnigg. C'est Hitler qui parle :

« Ne croyez pas que personne au monde m'empêchera d'exécuter mes décisions! L'Italie? Je n'ai plus aucun compte à régler avec Mussolini. Avec l'Italie, je suis dans les meilleurs termes. L'Angleterre ?

L'Angleterre ne lèvera pas le petit doigt en faveur de l'Autriche... Et la France ? Eh bien ! Il y a deux ans, lorsque nous sommes entrés en Rhénanie avec une poignée de bataillons... à ce moment-là oui, j'ai beaucoup risqué. Si la France avait alors marché, nous aurions été forcés de nous retirer... Mais pour la France, il est maintenant trop tard !!! »

La réalisation du Grand Reich était en bonne voie avec l'annexion de l'Autriche. De plus, il s'en dégageait un avantage géographique qui allait être exploité pour les prochaines opérations : une nouvelle et importante partie de la frontière tchèque avec l'Autriche devenait allemande.

Comme il le faisait à chaque aggravation de la situation, inlassablement Staline préconisait une politique de sécurité collective. A nouveau le 18 mars 1938, il proposait une conférence pour discuter de l'extension du pacte Franco-soviétique à l'échelle de la Société des Nations, dans l'éventualité d'une grave menace allemande contre la paix. Proposition accueillie sans enthousiasme par Londres et Paris, nous dit Churchill (page 278) en précisant : « J'avais insisté sur les perspectives d'un projet d'alliance entre la Russie, l'Angleterre et la France, où je voyais notre seul espoir de contenir la ruée nazie ».

Et comme toujours, les meilleures solutions sont vite repoussées avec les plus mauvais arguments qui soient ; qu'on en juge sur l'intervention à la Chambre des Communes de M. Chamberlain, le 24 mars : « Le gouvernement de sa Majesté estime que la conséquence indirecte, mais néanmoins inévitable, de l'action proposée par le gouvernement soviétique, serait d'aggraver la tendance à la création de groupements exclusifs de nations qui, dans l'opinion du gouvernement de sa Majesté, ne sauraient qu'être défavorables aux chances d'avenir de la paix en Europe. » (Winston Churchill, ouvrage cité, p. 280.)

Peut-on imaginer sophisme plus dépouillé, plus on défend la paix, plus on la compromet. Ce pourrait être incohérent s'il ne s'agissait pas d'une politique bien déterminée qui va s'affirmer avec éclat dans les mois qui vont suivre.

Les plans d'Hitler étaient prêts. Il s'agissait de liquider la Tchécoslovaquie en tant qu'État indépendant et cela dans les plus courts délais. Mais la Tchécoslovaquie était liée par des traités avec d'autres nations et pas des moindres ! La France, notamment s'était toujours portée garante – depuis 1919 – de l'indépendance Tchèque ; tous les gouvernements de Paris avaient renouvelés cette assurance.

Malgré les modifications qui venaient de se produire en Europe, et dès le 14 mars 1938, donc au lendemain de l'Anschluss, celui de Léon Blum ne faillit pas à la tradition puisque le président du Conseil lui-même tint à assurer solennellement à l'ambassadeur Tchèque que la France tiendrait, sans réserves, ses engagements. Cette promesse devait être confirmée par le successeur de Léon Blum, trois mois plus tard exactement le 12 juin, Édouard Daladier déclara que les engagements de la France à l'égard de la Tchécoslovaquie étaient sacrés et irrévocables.

Ces assurances répétées n'étaient pas prises au sérieux par Hitler. Le 18 juin il décida de préparer l'attaque contre la Tchécoslovaquie, cependant qu'une grande inquiétude régnait parmi l'État-major allemand qui pensait que le bluff ne réussirait pas éternellement comme cela avait été le cas une première fois avec le réarmement allemand, une seconde fois avec la réoccupation de la Rhénanie, une troisième fois avec l'annexion de l'Autriche. Aussi, en même temps qu'il prend ses dispositions de combat, Hitler éprouve le besoin de rassurer ses généraux par une lettre à Keitel :

« Je ne déciderai d'engager l'action contre la Tchécoslovaquie qu'une fois convaincu que la France ne marchera pas et que, par conséquent, l'Angleterre n'interviendra pas, tout comme cela s'est passé lors de la réoccupation de la zone démilitarisée et de l'entrée de nos troupes en Autriche. » (Nuremberg, Documents Part, 2 p. 10, Winston Churchill, ouvrage cité, p. 297.)

Juillet et août se passèrent en pourparlers secrets, démarches publiques, va-et-vient de chargés de mission, pendant que l'inquiétude des peuples grandissait.

Le 31 août, par lettre à son gouvernement, Churchill proposait sans succès une démarche commune Angleterre, France, Russie. A peu près dans le même temps, sollicitée par le gouvernement français, l'Union Soviétique faisait connaître qu'elle était prête dans le cadre de la Société des Nations à remplir tous ses engagements vis-à-vis de la Tchécoslovaquie et proposait, qu'à cet effet, des conversations, d'états-majors aient lieu immédiatement entre la France, la Tchécoslovaquie et elle-même ; de cela le gouvernement britannique en était informé par ses soins, mais il n'est pire sourd qui ne veuille entendre.

Dès lors, tout devait aller très vite. Le 12 septembre, Hitler au cours de son congrès attaqua violemment les Tchèques ; ceux-ci répliquèrent par la loi martiale. Le conflit atteignait son point culminant ; les gouvernements anglais et français allaient faire pression sur la Tchécoslovaquie pour l'amener à céder, ce qui se produisit malgré une dernière mise en garde de l'Union Soviétique.

Le 30 septembre à deux heures du matin l'accord de Munich était signé par Hitler, Daladier, Mussolini, Chamberlain. Ni la Tchécoslovaquie, ni l'Union Soviétique n'avaient été invitées à participer aux discussions. L'accord prévoyait pour les jours suivants, le rattachement à l'Allemagne de la région des sudètes qui comprenait une zone fortifiée mettant ainsi le reste du pays à la merci d'Hitler. D'ailleurs le 15 mars suivant la Tchécoslovaquie était entièrement occupée par l'Allemagne.

Les accords de Munich furent approuvés à la chambre française par tous les partis bourgeois et le parti socialiste. Ont voté contre : les 73 députés communistes, M. Bouhey député socialiste et M. de Kérillis.

En Angleterre, ce n'est que par 366 voix contre 144 que l'approbation fut obtenue et il y eut une quarantaine de députés conservateurs qui s'abstinrent, c'est-à-dire ceux qui se rangeaient à l'avis de M. Churchill. En voici la teneur :

« ... Il me reste à exposer l'histoire de l'accueil qui fut réservé aux offres de collaboration russes à la veille de Munich. Si seulement le peuple anglais avait pu savoir et comprendre qu'après avoir négligé nos moyens de défense et cherché à affaiblir ceux de la France, nous étions maintenant en train de repousser l'une après l'autre, les deux puissantes nations dont tous les efforts étaient nécessaires pour sauver notre vie et la leur, l'histoire aurait peut-être suivi un cours différent. Mais tout semblait si facile quand on vivait au jour le jour. Puissent, dix ans plus tard, les leçons du passé nous servir de guide ! » (Winston Churchill, Extrait des mémoires, ouvrage cité, p. 260.)

Dans le précédent chapitre, nous avons parlé des décisions ahurissantes parmi lesquelles : Munich.

Voici pour étayer notre jugement :

« Nous connaissons maintenant la réponse faite par le maréchal Keitel à la question précise que lui posa le représentant Tchèque au procès de Nuremberg : « Le colonel Eger, représentant de la Tchécoslovaquie, demande au maréchal Keitel : « Le Reich aurait-il attaqué la Tchécoslovaquie en 1938 si les puissances occidentales avaient soutenu Prague ?

Le maréchal Keitel répondit : « Certainement non. Militairement nous n'étions pas assez forts. Le but de Munich (c'est-à-dire de l'accord conclu à Munich) était d'éliminer la Russie de l'Europe de gagner du temps et de parachever nos armements » (Winston Churchill, ouvrage cité, p. 325.).

Avant que l'occupation complète de la Tchécoslovaquie ne fût réalisée et seulement après l'affaire des sudètes, voilà comment l'ambassadeur soviétique en France appréciait l'événement et en informait son gouvernement : « 12 octobre 1938 — Même ceux qui récemment encore s'époumonaient en accueillant Daladier au Bourget et couvraient de fleurs sa marche triomphale au tombeau du soldat inconnu ont compris maintenant plusieurs vérités incontestables et suffisamment désagréables, à savoir que :

1°) avec l'aide de la France, l'Allemagne a, sans coup férir, augmenté de plus de trois millions sa population qui, de ce fait, atteint donc actuellement plus du double de la population française.

2°) L'Allemagne a augmenté son territoire de plus de 27000 km2.

3°) Elle a reçu en don une série de fabriques et d'usines à l'équipement tout à fait moderne, et des ressources essentielles en richesses minérales.

4°) Elle s'est appropriée maintenant une ligne de fortification qui a toujours été considérée comme la barrière la plus sérieuse contre une agression allemande en Europe centrale, et qu'en même temps la France :

a) a perdu son plus fidèle allié en Europe centrale.

b) a perdu une armée qui, en temps de guerre aurait pu atteindre 1 million ou 1,5 million d'hommes et qui, s'appuyant sur les fortifications abandonnées aurait été capable de stopper une armée allemande de non moindre dimension.

c) a perdu maintenant tous ses alliés, a détérioré ses liens avec l'URSS et a notablement déprécié, même aux yeux de l'Angleterre, son importance et son rôle d'allié.

Le représentant plénipotentiaire en France. Souritz » (Ministère des affaires étrangères de l'URSS,

Documents et matériaux, p. 31, l'URSS dans la lutte pour la paix à la veille de la seconde guerre mondiale.)

Avec le recul, on imagine mal, qu'une politique aussi contraire aux intérêts de plusieurs pays et notamment de ceux de la France ait pu être menée avec l'appui de la majorité de l'opinion publique et contre la volonté d'une partie de celle-ci ; il est vrai que cette politique était déguisée par tous les moyens d'information et présentée comme une politique de paix, une politique d'« apaisement » qui, une fois les revendications allemandes satisfaites, conduirait à la paix pour une longue période alors qu'au contraire elle conduisait tout droit à la guerre. On le savait, mais on souhaitait — et on y souscrivait d'avance— que se soit une guerre entre l'Allemagne et l'Union Soviétique.

Si, comme le remarque l'ambassadeur Souritz dans sa note du 12 octobre 1938, les yeux commençaient à se dessiller après la signature du pacte de Munich le 30 septembre, ce fut beaucoup plus apparent après le 15 mars 1939, date de l'occupation de Prague par l'armée allemande. Conscient des changements survenus dans l'opinion publique et contraint d'en tenir compte, Chamberlain prenant la parole à Birmingham le 17 mars, dut dénoncer la trahison flagrante d'Hitler, mais ceci avait peu d'effet sur les événements.

Par note du 18 mars 1939 au gouvernement allemand, l'Union Soviétique condamnait formellement l'agression comme le montre cet extrait : « 4) En l'absence de toute manifestation de la volonté du peuple, l'occupation de la Bohême par les troupes allemandes et les actions successives du gouvernement allemand ne peuvent être considérées que comme arbitraires, violentes, agressives.

5) Les observations ci-dessus concernent pleinement la modification du statut de la Slovaquie dans le sens de la subordination de celle-ci à l'Empire allemand, ce qui n'a pas été justifié par une quelconque manifestation du peuple slovaque.

6) Les agissements du gouvernement allemand ont servi de signal à la grossière invasion de la Russie subcarpatique par les troupes hongroises et à la violation des droits élémentaires de sa population.

7) A la suite de quoi le gouvernement soviétique ne peut reconnaître l'inclusion de la Bohême dans l'empire allemand ni celle de la Slovaquie sous une forme ou sous une autre légitimes et conformes aux normes admises du droit international et à l'équité ou au principe de l'autodétermination des peuples. »

(Ministère des affaires étrangères de l'URSS. Ouvrage déjà cité document n°117—p. 174.)

Telle était la position de Staline sur l'un des événements qu'il citait dans son énumération, au cours du rapport au XVIIIe congrès qui se tenait à Moscou du 10 au 21 mars 1939 : « Et voici les événements les plus importants de la période envisagée, qui ont marqué le début de la nouvelle guerre impérialiste. En 1935, l'Italie a attaqué l'Éthiopie et s'en est emparée. Pendant l'été de 1936, l'Allemagne et l'Italie ont entrepris en Espagne une intervention militaire, au cours de laquelle l'Allemagne a pris pied dans le nord de l'Espagne et dans le Maroc espagnol, et l'Italie dans le sud de l'Espagne et dans les îles Baléares. En 1937, après s'être emparé de la Mandchourie, le Japon envahit la Chine centrale et du nord, occupé Pékin, Tientsin, Shanghai, il évince de la zone occupée ses concurrents étrangers. Au début de 1938, l'Allemagne s'est annexé l'Autriche, et, à l'automne de 1938, le Japon s'est emparé de Canton et, au début de 1939, de l'Île de Hainan.

C'est ainsi que la guerre, qui s'était imperceptiblement glissée vers les peuples, a entraîné dans son orbite plus de 500 millions d'hommes.

Ainsi nous assistons à un partage déclaré du monde et des zones d'influences aux dépens des intérêts des États non agresseurs, sans aucune tentative de résistance et même avec une certaine complaisance de leur part. Cela est incroyable, mais c'est un fait. » (J. Staline, Œuvres, tome 14, PP. 237-239 et suivantes.)

Et Staline poursuit sa démonstration en expliquant que cette politique n'est pas dictée par une infériorité militaire ou économique des états non agresseurs, la France et l'Angleterre ; Bien au contraire.

Mais, une première raison d'ordre impérialiste les pousse à agir ainsi : laisser l'Allemagne, l'Italie et le Japon s'engager dans les actions militaires sur leurs voisins et vers l'URSS, actions qui les affaibliront et permettront aux alliés d'intervenir, le moment venu, et de dicter leur loi.

La deuxième raison est d'ordre beaucoup plus politique et nécessite un camouflage plus sérieux, car ce n'est pas pour rien qu'Hitler s'est posé en bouclier contre le communisme, la répression qu'il a exercée en Allemagne en remplissant ses premiers camps de concentration de communistes a encore donné plus de poids à ses déclarations.

Pendant la dernière année de paix, un mot d'ordre est couramment répandu en France : « mieux vaut Hitler que le front populaire » ce qui rend plausible la politique d'« apaisement » et de « non-intervention » pratiquée à l'égard des agresseurs, politique qui n'a pour objet que d'orienter vers l'Est la revendication allemande d'« espace vital ».

Staline note également un fait caractéristique dans la presse d'Europe et des États-Unis : l'impatience marquée à attendre la « campagne contre l'Ukraine soviétique ». Ils écrivent que les Allemands les ont « cruellement déçus ».

Ainsi Staline, en matière de politique extérieure, s'affirme-t-il résolu à :

1) Continuer la politique de paix et de consolidation des relations d'affaires avec tous les pays.

2) Être prudent et ne pas permettre que les provocateurs de guerre, habitués à faire tirer les marrons du feu par les autres, entraînent notre pays dans des conflits.

3) Augmenter par tous les moyens la puissance combative de notre armée et de notre Marine militaire rouges.

4) Renforcer les liens internationaux d'amitiés avec les travailleurs du monde entier, intéressés au maintien de la paix et de l'amitié entre les peuples. » (J. Staline, ouvrage cité, tome 14, p. 244.)

Au moment même où se déroulait le XVIIIe congrès, la situation internationale continuait à évoluer vers la guerre, car l'Allemagne commençait à s'en prendre à la Pologne. Dès le mois de mars et le 3 avril, le chef d'état-major allemand, général Keitel, donnait ses directives pour l'attaque qui devait être prête pour le 1er septembre. Dans cette direction le 23 mars, les troupes allemandes avaient occupé Memel, le seul port de Lituanie. Dans cette grande coalition, cristallisée sur l'axe Berlin-Rome-Tokyo, aucun partenaire ne restait inactif, et le 7 avril 1939, à nouveau l'Italie entrait dans la danse en débarquant et en occupant l'Albanie.

Le 16 avril 1939, toujours et jusqu'au bout soucieuse de préserver la paix, ou tout au moins de gêner au maximum l'exécution des plans des agresseurs, l'Union Soviétique fit des propositions qui tendaient à la création d'un pacte d'assistance mutuelle entre la Grande-Bretagne, la France et l'URSS, et ouvert à la Pologne. Ce pacte devait permettre d'accorder une garantie à ceux des États d'Europe centrale et orientale qui pouvaient être menacés par les visées expansionnistes allemandes.

Ces propositions font l'objet des observations suivantes de la part de Winston Churchill : « On ne peut mettre en doute, même aujourd'hui à la lumière des événements, que la Grande-Bretagne et la France auraient dû accepter la proposition russe et proclamer la triple alliance. Quant aux méthodes à adopter pour rendre cette alliance effective en cas de guerre, elles auraient été réglées par les alliés luttant contre l'ennemi commun.

L'alliance de la Grande-Bretagne, de la France et de la Russie aurait jeté profondément l'alarme au cœur de l'Allemagne en 1939, et nul ne peut affirmer que la guerre n'aurait pu alors être évitée » (Winston Churchill, ouvrage cité, pp. 370-371.).

Une telle proposition s'inspirait des intérêts immédiats des puissances en cause, du maintien de la paix et correspondait au courant populaire qui se développait en Angleterre et en France contre les conséquences, maintenant très palpables, de l'accord de Munich. Il était encore temps, mais il fallait faire vite ; l'urgence des décisions dans ce sens ne faisait pas de doute et, puisque dans son discours du 17 mars à Birmingham Chamberlain semblait avoir pris conscience des dangers qui s'étaient accumulés on aurait pu croire qu'on allait enfin sortir de l'impasse. C'est ce qui se serait produit si des forces occultes, dont Churchill se garde bien de parler, n'avaient imposé une autre direction.

Effectivement, pendant que des jours et des semaines passaient, des pourparlers secrets avaient lieu pour rechercher un accord avec l'Allemagne afin d'orienter celle-ci vers l'Ukraine soviétique.

Afin de mieux dissimuler ces contacts déshonorants et de paraître répondre à l'attente des peuples anglais et français, des conversations furent ouvertes le 15 avril entre l'ambassadeur anglais et Maxime Litvinov, ministre des affaires étrangères de l'URSS. Ces conversations allaient rapidement se révéler stériles puisque l'obstacle majeur ne pouvait être surmonté qu'avec l'accord de la Pologne. L'URSS et l'Allemagne n'avaient pas de frontière commune ; en cas de conflit, il fallait que les troupes soviétiques fussent autorisées à traverser la Pologne, mais celle-ci refusa jusqu'au bout, certainement encouragée discrètement par les occidentaux.

Pendant toute cette période, tout l'art des négociateurs anglo-français tendait à amener l'URSS à prendre des engagements sans en contracter eux-mêmes. Il s'agissait de faire se déclencher la guerre entre l'Allemagne et l'URSS en plaçant cette dernière dans les plus mauvaises conditions ; une fois l'affaire enclenchée aider l'Allemagne selon les possibilités laissées par les peuples français et anglais.

Le drôle de guerre de 1939 à mai 1940 n'est-elle pas une illustration de cette volonté ? Après tout, cela correspondait à la politique qu'Hitler avait définie en s'instituant le bouclier contre le communisme et pour laquelle il avait reçu tant d'encouragements du monde occidental.

Qui aurait pu penser, à ce moment-là, qu'un retournement sensationnel dont l'histoire a connu peu d'exemples, allait se produire et que le grand leader de la nouvelle croisade allait subitement changer de cap. Et pourtant, Hitler en avait-il reçu des cadeaux de ces grandes bourgeoisies qui conduisaient le monde ! Certes, Churchill l'avait toujours craint, mais cette volte-face surprit et modifia complètement la situation. C'est très probablement au tout début de mai qu'Hitler prit sa décision, mais comme toujours n'en laissa rien paraître, même à ses proches.

D'autre part, comme l'indique Churchill : « Le gouvernement soviétique était convaincu, à la suite de l'affaire de Munich et pour beaucoup d'autres raisons, que ni la Grande-Bretagne ni la France ne se battraient avant d'avoir été attaquées, et qu'alors elles ne pourraient pas faire grand-chose. L'orage approchait et allait éclater. La Russie était obligée de veiller à ses intérêts » (Winston Churchill, ouvrage cité, pp. 374-378.).

Dans le même temps, et c'est ce qui facilita grandement l'opération, les mêmes tergiversations se poursuivaient à l'Ouest. Le 16 avril, les nations occidentales étaient en possession de propositions concrètes de l'URSS pour un pacte d'assistance mutuelle qu'elles pouvaient étudier de toute urgence.

Au lieu de cela, ce ne fut que le 8 mai que réponse fut donnée, soit 22 jours après, et pour répondre dans une optique négative comme l'expose Churchill dans ses mémoires : « Le gouvernement des Soviets, disait le communiqué, a reçu les contre-propositions anglaises le 8 mai ; celles-ci ne mentionnent pas l'obligation pour l'Union Soviétique d'une garantie séparée pour chacun des états voisins, mais elles précisent que l'URSS sera tenue d'apporter un secours immédiat à la Grande- Bretagne et à la France au cas où elles se trouveraient entraînées dans une guerre par suite des garanties données à la Pologne et à la Roumanie. Aucune mention, en outre, n'était faite d'une assistance de leur part à l'Union Soviétique au cas où celle-ci se trouverait entraînée dans une guerre par suite de ses obligations envers une quelconque puissance de l'Europe orientale » (Winston Churchill, ouvrage cité, pp. 374-378.).

Une telle réponse ne pouvait évidemment pas donner satisfaction à l'URSS qui, sur-le-champ, fit de nouvelles propositions qui ne furent pas davantage acceptées.

Le 19 mai, le problème fut évoqué devant la chambre des communes ; MM. Lloyd George – Eden – Churchill insistèrent sur : « la nécessité vitale de conclure immédiatement avec la Russie un accord de grande envergure et sur un pied d'égalité ».

M. Winston Churchill relate les faits comme suit : « Le Premier Ministre répondit et, pour la première fois nous révéla ses vues sur l'offre soviétique.

L'accueil qu'il lui réservait était certainement froid et dédaigneux ».

Et enfin il donne sa propre intervention à la même séance : « Je n'arrive absolument pas à comprendre ce qui s'oppose à la réalisation de l'accord avec la Russie que le premier ministre se déclare désireux de conclure, et à sa réalisation sous la forme large et simple proposée par le gouvernement de la Russie soviétique.

Je ne puis comprendre ces subtilités de la diplomatie et ces atermoiements. Si le pire venait à se produire, vous vous trouveriez au cœur de l'orage en même temps que les Russes et vous auriez à vous tirer d'affaire en même temps qu'eux.

Il est évident que la Russie n'est pas décidée à conclure des accords à moins d'être traitée en égale. Elle désire non seulement être traitée en égale, mais avoir aussi l'assurance que les méthodes employées par les alliés, par le front de la paix sont de nature à conduire au succès. Nul ne tient à s'associer à des chefs vagues et à une politique incertaine.

Je ne veux certes pas demander de faveurs à la Russie Soviétique, et ce n'est pas le moment de demander des faveurs à aucun pays étranger. Mais nous voici en présence d'une offre, d'une offre équitable, meilleure à mon avis que les conditions envisagées par notre gouvernement, une offre plus simple, plus directe et, plus efficace que ce que nous recherchions. Il ne faut pas la dédaigner.

Le gouvernement de sa Majesté a depuis longtemps négligé nos défenses, il a abandonné la Tchécoslovaquie et tout ce qu'elle signifiait au point de vue militaire, il a, sans avoir examiné au préalable les aspects techniques de la question, pris des engagements relatifs à la défense de la Pologne et de la Roumanie. S'il refuse et rejette maintenant l'aide indispensable de la Russie et nous conduit ainsi par le pire de tous les chemins vers la pire de toutes les guerres, alors il n'aura guère mérité la confiance, ni, je dois l'ajouter, la générosité que lui ont témoignée nos compatriotes.

On ne peut guère en douter, tout cela venait trop tard. Attlee, Sinclair et Eden exposèrent dans les grandes lignes l'imminence du danger et la nécessité de l'alliance Russe » (Winston Churchill, ouvrage cité, pp. 381 à 384.).

La France et l'Angleterre firent semblant de tenter un nouvel effort avec la Russie. Elles envoyèrent à Moscou le 12 juin, pour cette importante mission, un fonctionnaire peu élevé dans la hiérarchie, ce qui, dit Churchill « fut apprécié par les Russes comme une véritable offense ».

Le fonctionnaire en question s'appelait monsieur Strang et il me souvient d'un titre qui barrait la première page du journal l' « Œuvre » : Strangulation. C'était cela ; il s'agissait bien d'étrangler toute possibilité d'accord. Il allait en être de même avec les délégations militaires qui furent envoyées à Moscou au cours de l'été 1939 et qui elles aussi, n'avaient pas pouvoir de décision. Inutile de relater les petites péripéties de cette comédie compte tenu des consignes que les délégations avaient reçues : « faire durer les pourparlers et surtout ne pas aboutir ».

Le piège était bien préparé mais Staline n'était pas de ceux qui s'en laissaient conter, d'autant qu'un développement extraordinaire était en train de se produire en raison de la volte-face d'Hitler. Depuis le mois de mai, la presse allemande avait cessé ses attaques contre l'Union Soviétique ; au contraire, des ouvertures étaient faites, laissant entrevoir la possibilité d'un traité commercial et d'un pacte de non-agression.

Non qu'Hitler eût renoncé pour toujours à la guerre contre l'URSS, mais au lieu de la faire pour le compte des démocraties occidentales, il préférait d'abord se rendre maître de l'Europe aux dépens de celles-ci. Fort de leurs dépouilles, il ferait la guerre à l'est pour la victoire de la seule Allemagne et établirait le Grand Reich pour mille ans comme il en avait manifesté l'intention.

C'est ainsi que devant l'impossibilité absolue où se trouvait l'URSS d'aboutir à une alliance avec les démocraties le pacte germano-soviétique de non-agression fut signé le 23 août 1939. Voici le commentaire qu'en fait Winston Churchill : « On se demande qui, de Hitler ou de Staline avait le plus d'horreur pour le traité qui venait d'être conclu.

Tous deux n'ignoraient pas qu'il ne s'agissait en l'occurrence que d'une expérience temporaire. Il existait entre les deux empires et les deux systèmes un antagonisme mortel. Sans doute Staline songeait-il que Hitler serait pour la Russie un ennemi moins redoutable après une année de guerre avec les occidentaux.

Hitler, lui, continuait d'employer sa tactique : « Un ennemi à la fois ». Le fait que semblable accord ait pu être conclu marque le point culminant de la faillite de la politique étrangère suivie depuis plusieurs années par l'Angleterre et par la France » (Winston Churchill, ouvrage cité, pp. 400 et 401.).

Ces longues citations, extraites des mémoires de l'homme qui eut la lourde charge pour son pays de conduire la guerre pendant toute sa durée, et dont les sentiments profonds à l'égard du régime soviétique n'avaient pas changé, n'ont été faites que pour bien relater le déroulement des événements et les réactions d'un des grands acteurs du drame épouvantable que les peuples ont vécu. Ces précisions réfutent et font justice des abominables calomnies qui ont été répandues par tous les tenants habituels de l'anticommunisme, contre la politique soviétique.

Le lecteur impartial reconnaîtra le bien-fondé de la décision de Staline de signer le pacte germano-soviétique afin de gagner le maximum de temps avant la terrible échéance et, se sentant isolé, de préserver quelques chances de victoire pour toute l'humanité progressiste.

Encore aujourd'hui, cette politique est considérée comme la seule juste par les historiens que n'aveugle pas la haine anti-soviétique et aussi par les dirigeants actuels de l'Union Soviétique, assurance exprimée dans ce court extrait du « Précis d'Histoire du Parti Communiste de l'Union Soviétique » (Ouvrage cité, édition de Moscou, 1975.) page 271 :

... « Sur ces entrefaites le gouvernement Hitlérien proposa en août 1939 au gouvernement soviétique de conclure un traité de non-agression. L'Union Soviétique était menacée d'une guerre sur deux fronts en Europe et en Extrême-Orient dans laquelle elle se serait trouvée complètement isolée. Le gouvernement soviétique accepta la proposition de l'Allemagne. L'avenir prouva que cette décision de l'Union Soviétique était la seule juste, car elle lui permit de se consacrer pendant près de deux ans à un travail créateur et de renforcer sa capacité de défense ».

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